Il existe pas mal d’idées reçues sur la fermentation basse, elle est plus difficile à mettre en oeuvre que la fermentation haute, elle ne sert qu’à faire de la blonde insipide (oui, forcément si on la compare aux lagers industrielles). En pratique il faudra effectivement prévoir les moyens techniques pour réfrigérer le fermenteur afin de respecter les températures de fermentation et de lagering. La fermentation est un peu plus longue que pour la fermentation haute, mais la patience sera récompensée avec un résultat différent des ales, généralement plus propre, moins d’esters et plus limpide. La fermentation basse permet de réaliser des styles de bières de la famille des Lagers moins courants comme les Pilsner, Märzen, Munich Helles, Munich Dunkel, Bock, Doppelbock, Eisbock, Rauchbier, Schwarzbier… l’essayer, c’est l’adopter !
La fermentation est une étape clé dans la fabrication de la bière qu’il ne faut pas négliger, le proverbe « Le brasseur fait le moût, la levure fait la bière. » a tout son sens !
Lorsque l’on réalise un brassin, à partir de l’ensemencement (« pitching » en anglais) il n’y a qu’une seule et unique fermentation que l’on peut distinguer en 3 phases dans le cycle de vie de la levure :
L’oxygénation du moût est importante, encore plus pour les levures de fermentation basse. Cette aération est à faire avant l’ajout des levures dans le moût. On peut agiter énergiquement le moût avec une spatule, secouer le fermenteur, transférer d’un seau à l’autre en provoquant du remous ou bien utiliser une bonbonne d’oxygène alimentaire avec une pierre de diffusion.
Le respect de la dose de levure à l’ensemencement est très important, les lagers demandent un taux d’ensemencement bien souvent supérieur voire du double des ales. La dose pour les ales est de 0,75 million de cellules par millilitre et par degrés Plato et de 1,5 million de cellules par millilitre et par degrés Plato pour les lagers. Si les chiffres vous font peur et que vous n’êtes pas familiers de la culture de levure et des starters, respectez simplement les dosages indiqués par les fabricants de levures. La récupération de levures fraîches et actives d’un brassin précédent marche très bien également.
La fermentation basse met plus de temps à partir que la fermentation haute, la phase de multiplication étant plus longue. On pense bien faire en laissant la fermentation démarrer à haute température pour aider les levures mais il vaut mieux la mettre directement en condition de température de fermentation adéquate pour éviter un potentiel stress et des faux-goûts.
Juste après l'inoculation du moût par les levures, ces dernières commencent par s'adapter à ce milieu acide et sucré et à consommer l'oxygène qui y est dissout afin de synthétiser des stérols et des acides gras. Ce sont des composants essentiels pour leurs membranes, qui leurs assureront par la suite une multiplication saine et rapide. Il s'agit de la phase de respiration et de multiplication des levures en aérobie (présence d’oxygène). Plus d’infos dans la rubrique biochimie.
Cette étape peut durer jusqu’à 24h si la dose de levure inoculée est insuffisante ou que l’oxygénation du moût trop faible ou bien encore que la levure n’est pas très en forme. Il est donc indispensable de réaliser une bonne oxygénation du moût et un ensemencement de qualité avec de la levure saine et en quantité suffisante pour éviter un mauvais départ de la levure qui va engendrer des faux-goûts et ralentir la fermentation.
C’est pendant cette première étape qu'une mousse brune et crémeuse (le kräusen) visible depuis l'extérieur commence à se forme à la surface du fermenteur. Ne pas écumer cette mousse, il s'agit d'une activité normale de la levure et également un bon indicateur de l'avancement de la fermentation.
La fermentation se déroule à la température recommandée pour la souche de levure de fermentation basse sélectionnée. Elle est généralement comprise entre 10 et 15°C, il est conseillé de la maintenir à une température stable pendant le processus de fermentation primaire. La durée est assez variable selon la souche de levure, la température de fermentation, la densité du brassin, les conditions d’ensemencement. Il faut compter environ 2 semaines. L’utilisation d’un réfrigérateur, chambre froide ou autre moyen d’obtenir un froid constant est une bonne solution. Si vous avez à disposition une cave ou lieu frais assez constant, c’est une bonne option également. Attention la levure de fermentation basse, sauf exception de certaines souches, formera des esters, alcools de fusels et autres composants peu désirés si elle est mise à fermenter dans des conditions de température trop élevées pendant la fermentation primaire. Si la température de fermentation est trop fraiche, la levure arrêtera son travail et la fermentation sera stoppée.
Le diacétyle est un composé chimique du groupe des cétones produit par la levure lors de la fermentation. On retrouve notamment ce composé organique dans le beurre, la crème fraîche et les boissons fermentées comme la bière et le vin. Sa présence dans certains styles de bières comme dans les lagers est plutôt synonyme de faux-goût, décelable par une odeur de beurre rance, de popcorn ou de caramel.
Il existe plusieurs molécules dans la bière qui avant de se transformer en diacétyle ne sont pas détectables au nez et au palais. La température de fermentation fait varier ce temps de transformation.
Ainsi, en fermentation haute ces molécules que l'on nomme « précurseurs » se transforment rapidement en diacétyle durant la fermentation. Diacétyle que la levure ne tarde pas à réabsorber et transformer sans même que l'on s'en rende compte. En fin de fermentation haute, il n'y a donc plus de précurseurs et logiquement plus de diacétyle non plus.
En fermentation basse la température est trop fraiche pour que les précurseurs forment du diacétyle et la levure est occupée à fermenter les sucres. Elle délaisse donc l’absorption et la transformation du diacétyle qui se formera alors par la suite quand la bière sera à température adéquate. Ainsi vers la fin de la fermentation primaire, il peut être utile de laisser remonter progressivement la température entre 16 et 20°C pour forcer les précurseurs à se transformer en diacétyle, puis de redescendre progressivement à la température de travail de la levure pour lui permettre d’assimiler le diacétyle avant d’effectuer le lagering. La durée généralement constatée pour le « diacetyl rest » est de 2 à 3 jours entre 16 et 20°C, il faut donc aussi prendre en compte les temps de montée/descente progressive de température et idéalement éviter de faire varier la température de +/-6°C en 24h (plus difficile à faire en brassage amateur). En pratique je n’ai pas constaté de soucis en déplaçant directement le seau de fermentation entre la cave et l’appartement.
Une variante possible est de réaliser le « diacetyl rest » entre 16 et 20°C pendant au minimum 4 jours avant la mise en bouteilles. Cela permet par la même occasion de réactiver les levures et parfois on remarque même quelques signes de reprise de fermentation après la phase de lagering. Cela permet aussi d’effectuer un éventuel dry hopping par la même occasion. Je réalise désormais le « diacetyl rest » en fin de fermentation et je n’ai pas constaté de soucis de faux-goût sur mes lagers.
Le terme « lagering » vient du terme allemand « lagern » qui signifie entreposer, conserver, en rapport avec la garde au froid pratiquée en caves fraîches pour les bières de fermentation basse.
Cette étape de fermentation secondaire souvent appelée « lagering » consiste à mettre la bière en condition dans un lieu frais (cave, igloo...) dans un réfrigérateur ou un autre moyen de maintenir une température très fraîche, idéalement plus fraîche que la fermentation primaire. Il convient idéalement de ne pas placer directement la bière à température extra fraîche mais de descendre au maximum de 6°C par jour afin de préparer la levure à de telle conditions de température et éviter de leur faire subir un choc thermique et engendrer des faux-goûts. Attention également à bien contrôler la température et ne pas congeler la bière.
Il n’y a pas spécialement de température idéale, la fourchette de température généralement constatée va de 1 à 5°C mais à défaut d’avoir un moyen de maintenir la température très froide, un lagering dans les conditions de température de la fermentation primaire fera aussi l’affaire. Maintenir la température pendant 3 à 6 semaines (on peut même aller sur des durées encore plus longues mais bien souvent le résultat est déjà là au bout de 2-3 semaines), cela devrait permettre à la bière de s’affiner et surtout de se clarifier par la sédimentation des tanins et protéines responsables du trouble. Comme tout est ralenti à de si basses températures la patience est de rigueur, mais cette étape permet d’éliminer bon nombre de composants issus de la fermentation (DMS, sulfure d’hydrogène…) et d’obtenir un résultat propre sur les lagers.
Lorsque la levure meurt sa membrane rompt et libère son contenu qui peut apporter des faux-goûts sulfurés et de bouillon cube, c’est ce qu’on appelle l’autolyse. On peut constater ce souci si le fermenteur contient beaucoup de levure dans le fond et que la durée de fermentation et lagering dépasse 2 mois. Mais cela dépend aussi de la santé de la levure, si l’ensemencement a été suffisant et que la levure n’a pas subi un stress. Il est plus rare de constater de l’autolyse en brassage amateur, mais plutôt dans les cuve cylindroconiques sous pression en brasseries professionnelles car la hauteur des cuves et la pression augmentent ce risque.
Pour éviter ce problème d’autolyse et en cas de lagering très long il peut être intéressant d’effectuer un transfert de cuve après la fermentation primaire pour limiter le dépôt.
Le « lagering » est un processus de conditionnement de la bière. Cette période de garde de quelques semaines permet à la bière de finir de s’affiner pour avoir un résultat gustatif plus intéressant, le lagering permet également de clarifier la bière grâce à la basse température.
Le « cold crash » (passage à froid) est un processus de clarification de la bière. Il se réalise sur une période beaucoup plus courte que le lagering. Cela consiste à descendre rapidement la bière à température extrêmement froide (1-5°C) pour obtenir une clarification de la bière pendant 2 à 3 jours. Cette technique permet de faire sédimenter la levure et les résidus de houblon après un dry hopping par exemple. Elle n’est pas spécialement nécessaire sur les lagers étant donné que le lagering aura déjà effectué ce travail de clarification.
Le passage au froid même extrême ne permet pas de réduire l’amertume, le lagering non plus.
On peut trouver des souches de levures sèches qui permettent d’obtenir des résultats assez propres sur différents styles de bières de fermentation basse. J’ai notamment pu tester ces trois levures sèches :
Il existe une bonne gamme de souches de levures liquides permettant d’obtenir des résultats propres et correspondant à certains styles de bières précis. J’ai notamment pu tester ces trois souches liquides :