La bière artisanale est un produit vivant qui évolue. Il est donc normal d’avoir une carbonatation un peu plus importante quelques mois après la mise en bouteilles. Il n’y a normalement pas de soucis si la fermentation est bien achevée avant la mise en bouteille et que les principes d’hygiène et le processus de fabrication de la bière sont bien respectés. Il faut en revanche se poser des questions si la mousse et/ou la bière sortent d’elles-mêmes, des fois assez fortement lors de l’ouverture des bouteilles voire que des bouteilles explosent lors du stockage. Ce jaillissement de la mousse est très souvent appelé par son terme anglais « gushing ».
Voici quelques pistes qui peuvent expliquer la présence de gushing.
Le non respect des délais de fermentation car trop pressé d’embouteiller est la cause principale de gushing chez les brasseurs amateurs débutants.
Second cas, la fermentation semble terminée, plus de signes d’activité (glouglous), la densité ne descend plus pendant quelques temps et puis l’activité reprend quelques semaines après (réveil de la levure, consommation des sucres plus complexes), comme par hasard une fois que la bière est en bouteille !
Dans ces deux cas, la densité finale n’est pas atteinte ce qui provoque le gushing voire des explosions de bouteilles, pour éviter cela il faut vérifier les points suivants.
Ce n’est pas toujours simple de prédire la densité finale avec certitude car elle va dépendre de beaucoup de paramètres comme le densité initiale du moût (plus elle est élevée et plus la fermentation sera longue), la composition du moût en sucres fermentescibles, la qualité et le profil de la levure, sa capacité d’atténuation et des conditions de fermentation. Une fermentation lente ou stoppée peut aussi s’expliquer par un ensemencement un peu faiblard et une mauvaise oxygénation du moût avant ensemencement. Un peu plus de détails dans la rubrique FAQ sur la fermentation et dans les pages de techniques sur la fermentation haute et la fermentation basse en pratique.
En cas de température de fermentation trop faible, le travail de la levure peut donc être ralenti ou arrêté, la fermentation risque alors de repartir une fois que la bière est en bouteille à température plus élevée afin de favoriser la refermentation.
Dans le doute, il vaut mieux effectuer une fermentation d’environ 1 mois à température de travail de la levure et seule une mesure de densité constante pendant au moins 2 semaines peut indiquer que la fermentation est achevée. La réalisation d’un test de fermentation forcée est un moyen fiable de connaître l’atténuation de la levure et de prédire la densité finale du brassin en cours.
Une autre cause classique du gushing est la dose de sucre ajoutée à l’embouteillage, voulant plus de mousse on est parfois tenté d’ajouter plus de sucre.
La dose de sucre n’est pas fixe, elle va dépendre des conditions de fermentation, de la levure utilisée et du style de bière réalisé, car le taux de carbonatation n’est pas toujours le même. On peut utiliser un calculateur de sucrage.
Le taux de sucre à l’embouteillage généralement constaté est compris entre 1 et 10g/L. Personnellement, je ne dépasse jamais 5g/L et il m’arrive même d’embouteiller sans sucre ajouté sur certaines bières à forte densité finale ou quand j’estime que la densité finale n’est pas tout à fait atteinte, dans ce cas, il ne faut pas hésiter à réduire la dose de sucre.
Attention à bien diluer le sucre d’embouteillage dans un peu d’eau et le faire bouillir pour le stériliser. Il sera ensuite plus facile à diluer, mélanger doucement pour bien le répartir dans la cuve sans oxyder la bière.
Encore un classique dans les causes du gushing. Il faut absolument transférer ou séparer le dépôt de fond de cuve avant le sucrage et l’embouteillage !
Le fond de cuve est composé de levures principalement mortes, de protéines, de résidus de houblon… tout ce beau mélange ne sera que bénéfique à la formation de bulles dans le fond des bouteilles qui favorisera alors le jaillissement.
Attention également aux résidus de houblons en pellets bien souvent utilisés en dry hopping, un passage à froid (cold crash) devrait aider à les sédimenter, en excès dans les bouteilles, c’est le geyser assuré !
Prenez une fermentation un peu faiblarde, associée à un embouteillage relativement précoce, un sucrage normal à l'embouteillage et un stockage au chaud. Et on obtient un beau cocktail détonnant !
Une différence de 1 à 2 points de densité sur la densité finale peut déjà poser des soucis, pour rappel un point de densité équivaut à 1/4 de °P (Plato) soit environ 2,5g/L de sucre.
Exemple 1 : je brasse mon nouveau kit à bière, après une fermentation de 3 semaines, la densité finale mesurée est de 1014. L’embouteillage est effectué après transfert de cuve avec une dose de sucre d’embouteillage à 5g/L, mais la fermentation repart alors en bouteilles placées à 22°C et descend finalement à une densité estimée à 1010. Cela équivaudrait alors à effectuer une mise en bouteilles avec 15g/L de sucre, avec un tel taux, il est fortement possible que les bouteilles gushent à l’ouverture !
Exemple 2 : j’ai reçu un kit à bière mais la notice est pourrie et n’indique que 10 jours de fermentation, il n’y a qu’une tourie en verre fournie avec le kit. Je fais fermenter le tout à 22°C à côté du radiateur. La notice me demande d’ajouter 8g/L de sucre en poudre que je mélange dans la bière avant l’embouteillage (sans transférer) et je place mes bouteilles à côté du radiateur. Le kit ne contient pas de densimètre. Densité estimée à l’embouteillage 1020, densité finale estimée quelques semaines après la mise en bouteilles 1015. Cela équivaudrait alors à effectuer une mise en bouteilles avec 20,5g/L de sucre, avec un tel taux il est fortement possible que les bouteilles gushent voire explosent !
Il n’est généralement pas nécessaire d’ajouter de la levure fraîche à l’embouteillage pour la reprise de la fermentation, si tel est le cas attention à bien respecter les dosages préconisés. Il y a normalement encore assez de levures en suspension dans la bière pour effectuer la refermentation en bouteille.
Attention à l’hygiène lors du processus de brassage, fermentation, embouteillage. Le nettoyage des cuves de fermentation, des robinets, du matériel d'embouteillage et des bouteilles est primordial.
Attention également si vous ajoutez des fruits ou autres ingrédients non stérilisés pendant la fermentation.
Sinon, il se peut qu’une levure sauvage, bactérie ou encore une levure de type brettanomyces se développe dans la bière en concurrence avec la levure désirée. Dans certains cas l’infection peut se détecter visuellement ou gustativement mais peut aussi se développer de manière plus lente, une fois la bière en bouteille par exemple ! La consommation de sucres plus complexes, la capacité d’atténuation de fermentation plus importante et la transformation de certains composés chimiques peuvent amener à provoquer du gushing.
Le fusarium est un champignon qui peut se développer dans le malt stocké dans de mauvaises conditions, notamment dans l’humidité. Il développe alors des protéines (hydrophobines) non détruites par l'ébullition qui sont responsables de gushing important.
La bière est sensible aux variations de température du lieu de stockage. Le remuage, le transport et la manipulation des bouteilles à une température plus élevée permettent aux levures de repartir. Le stockage au frais dans une cave ou dans un réfrigérateur permet de limiter l’activité des levures et permettra également une meilleure dissolution du CO2 et de réduire ainsi le risque de gushing.
Attention à la manipulation des bouteilles, éviter de les secouer, de les choquer et d’agiter le dépôt, notamment en couchant les bouteilles dans le réfrigérateur.
Il est préférable de stocker les bouteilles au frais quelques heures avant le service car le CO2 se dissout plus facilement au froid. Cette technique de mise au frais prolongé permet de limiter le gushing si vous avez des bouteilles suspectes.
Si le gushing est de faible à modéré : laisser reposer les bières quelques jours au réfrigérateur bien frais pour dissoudre le CO2 et limiter le jaillissement.
Si le gushing est lié à des particules en suspension dans la bière : laisser reposer les bières quelques semaines dans un lieu très frais ou au réfrigérateur pour faire sédimenter au maximum et coller le dépôt au fond des bouteilles. Les manipuler avec précaution !
Si le gushing est prononcé : dans certains cas la technique du dégazage au décapsuleur peut suffire. Avec certains types de décapsuleurs il est possible de dégazer légèrement sans abîmer les capsules, sinon mettre une pièce de monnaie sur la capsule pour éviter de la tordre. Remettre un coup de capsuleuse ensuite.
Si le gushing est vraiment trop important, explosion de bouteille : la seule solution est de rouvrir les bouteilles avec précaution et de tout verser dans un seau désinfecté en évitant d'oxygéner. Re-embouteiller dans la foulée avec un peu de sucre ou sans selon les conditions. Si la fermentation n’était vraiment pas aboutie, laisser passer quelques jours puis effectuer un léger sucrage avant de refaire la mise en bouteille.