Les faux-goûts et défauts de la bière

Le goût désigne la saveur des aliments perçue grâce aux récepteurs gustatifs situés sur la langue. La saveur comporte 5 variantes possibles, le salé, le sucré, l’acide, l’amer et l’umami. L’odeur correspond à la stimulation des récepteurs olfactifs par les composés volatiles entrés par le nez. Une fois l’aliment mis en bouche, cette stimulation se fait par voie rétro nasale, on parle alors d’arôme. La flaveur traduit la sensation provoquée conjointement par le goût et l’odeur d’un aliment, les deux sens, le goût et l’odorat, se conjuguent et sont intégrés au niveau cérébral.

Il existe plusieurs odeurs et saveurs qui contribuent au caractère d'une bière. Certains de ces arômes sont décrits comme fruités, maltés ou houblonnés. Mais dans certains cas il existe d'autres goûts et odeurs plus spécifiques et pas toujours agréables que nous allons détailler par la suite. Le terme « faux-goût » provient de la mauvaise traduction de l’anglais « off flavor » que l’on devrait plutôt traduire par « hors flaveur ». Un « faux-goût » n’est pas forcément négatif, il peut même contribuer de façon positive à la palette aromatique de la bière. Dans certains cas il peut être désirable et même parfois recherché, lorsque que cela n’est pas le cas, on parlera alors plutôt de défaut. Un défaut a une connotation négative, il concerne quelque chose d’anormal et non voulu dans le goût de la bière.

Voici une liste des principaux faux-goûts et défauts de la bière :

1 - Pomme verte (acétaldéhyde)

La caractéristique de l’acétaldéhyde est l'odeur de pomme verte ou de citrouille. Ce goût provient d'un complexe chimique intermédiaire à la formation de l'alcool, la levure le transforme ensuite en éthanol. Certaines souches de levures produisent plus d’acétaldéhyde que d'autres. La présence de cet arôme indique que la bière est encore trop jeune et nécessite plus de temps pour arriver à maturité ou bien que la levure a subi un stress (sous ensemencement, température de fermentation inadéquate). Cela peut être également causé par une mauvaise oxygénation du moût avant fermentation ou bien par une présence de sucres simples (comme le sucre de table) trop importante qui peut donner un goût cidreux (voir goût de cidre un peu plus bas).
Pour éviter la présence d’acétaldéhyde il faut donc utiliser une levure de bonne qualité en quantité suffisante, à température de fermentation adéquate avec une oxygénation suffisante avant la fermentation et laisser le temps à la levure de mener à bien la fermentation pour que la levure finisse de transformer l’excès d’acétaldéhyde en éthanol.

2 - Alcool (alcools de fusel)

L’odeur d’alcool peut être douce et plaisante ou bien forte et gênante. Une forte odeur d'alcool ressentie dans une bière, peut avoir deux causes. La plus courante est souvent due à une température de fermentation trop haute.
Si la température de fermentation est trop élevée les levures peuvent produire trop d'alcools de fusel, un mélange d'alcools supérieurs et inférieurs qui se forment pendant la fermentation alcoolique et contribuent à donner du goût à la bière. Le terme « fusel » vient de l'allemand et signifie « mauvais alcool ». Cet alcool se ressent beaucoup en bouche comme dans certains mauvais alcools forts.
La deuxième cause de production d'alcool de fusel est due à un ensemencement trop faible qui provoque un stress de la levure.
Pour éviter la présence d’alcools de fusel il faut donc utiliser une levure de bonne qualité en quantité suffisante, à température de fermentation adéquate avec une oxygénation suffisante avant la fermentation.

3 - Beurre (diacétyle)

Le diacétyle est un composé chimique du groupe des cétones produit par la levure lors de la fermentation. On retrouve notamment ce composé organique dans le beurre, la crème fraîche et les boissons fermentées comme la bière et le vin. Sa présence dans certains styles de bières comme dans les lagers est plutôt synonyme de faux-goût, décelable par une odeur de beurre, de popcorn ou de caramel. Ces arômes en quantités modérées sont parfois recherchées dans certaines ales.
Il existe plusieurs molécules dans la bière qui avant de se transformer en diacétyle ne sont pas détectables au nez et au palais. La température de fermentation fait varier ce temps de transformation.
Ainsi, en fermentation haute ces molécules que l'on nomme « précurseurs » se transforment rapidement en diacétyle durant la fermentation. Diacétyle que la levure ne tarde pas à réabsorber et transformer sans même que l'on s'en rende compte. En fin de fermentation haute, il n'y a donc plus de précurseurs et logiquement plus de diacétyle non plus. En fermentation basse la température est trop fraîche pour que les précurseurs forment du diacétyle et la levure est occupée à fermenter les sucres. Elle délaisse donc l’absorption et la transformation du diacétyle qui se formera alors par la suite quand la bière sera à température adéquate. Ainsi vers la fin de la fermentation primaire, il peut être utile de laisser remonter progressivement la température entre 16 et 20°C pendant 2 à 3 jours pour forcer les précurseurs à se transformer en diacétyle, puis de redescendre progressivement à la température de travail de la levure pour lui permettre d’assimiler le diacétyle avant d’effectuer le lagering.
Pour éviter la présence de diacétyle il faut donc utiliser une levure de bonne qualité en quantité suffisante, à température de fermentation adéquate avec une oxygénation suffisante avant la fermentation et laisser le temps à la levure de mener à bien la fermentation à température suffisamment élevée pour que celle-ci finisse de transformer le diacétyle.

4 - Légumes cuits (diméthylsulfure)

Comme le diacétyle dans les ales, le diméthylsulfure (DMS) est courant dans la plupart des bières légères de type lager, et fait partie du caractère de ce type de bière. L’odeur du DMS peut faire penser à des légumes cuits (brocoli, choux) ou bien à l’odeur du maïs ou des asperges en boite. Le DMS est produit pendant la cuisson du moût par la réduction d'un autre composant chimique, le sulfone de diméthyle (MSM) qui est produit pendant le maltage de l'orge. Quand on utilise un malt fortement touraillé les MSM sont réduits avant ce qui ne produit pas de DMS dans le moût. Le DMS est particulièrement présent dans les bières brassées avec du malt clair.
Le DMS est produit de manière continue et naturelle par le moût pendant qu'il est chaud et disparaît avec la vapeur pendant la cuisson. Si le moût est refroidit trop lentement il va se dissoudre dans celui-ci. Il vaut donc mieux ne pas couvrir totalement la cuve d'ébullition pendant la cuisson afin qu'il puisse s'évacuer avec la vapeur et refroidir rapidement le moût avec un refroidisseur pour éviter les faux goûts.
Le DMS peut aussi être un faux goût provoqué par une infection bactérienne, en général il a un goût plus rance et plus fort. Ceci est causé par une mauvaise hygiène ou la réutilisation d'une levure contaminée.

5 - Esters (banane, solvant)

Les ales ont souvent des arômes légèrement fruités, les bières blanches belges et allemandes sont connues pour leur esters pouvant rappeler la banane. Les levures produisent naturellement des esters lors de la fermentation, certains souches plus que d’autres selon les profils, on retrouve parfois donc un côté fruité et épicé. La présence d’esters peut donc dans certains cas contribuer à la palette aromatique de la bière, mais en excès il s’agit plutôt d’un défaut, surtout si c’est le côté solvant, vernis qui prend le dessus.
Dans la bière les esters sont formés par l’estérification des acides gras par l’éthanol et aussi par l’estérification des alcools de Fusel (formés en cas de fermentation trop chaude). Les esters sont principalement formés pendant la phase de fermentation primaire mais peuvent également apparaître plus lentement pendant la fermentation secondaire. Le type d’ester produit dépend de la réaction chimique qui le crée, on peut retrouver des traces de plus de 60 esters différents dans la bière, mais les deux plus courants sont :
- L’acétate d'isoamyle qui a une odeur forte décrite comme l’arôme de banane ou de poire.
- L’acétate d'éthyle, solvant peu toxique, connu pour son odeur forte de vernis à ongles.
Pour limiter la production d’esters il faut commencer par choisir une souche de levure qui en produit peu et qui convient au style de bière réalisé. Ensuite il faut ensemencer un moût suffisamment aéré avec la bonne dose de levure et à la bonne température. Il faut contrôler la température de fermentation, plus la température sera élevée et plus la levure risque de produire des esters. Le non contrôle de la température de fermentation est la cause des principaux faux-goûts rencontrés en brassage amateur.

6 - Carton mouillé (oxydation)

L'oxydation est probablement le problème le plus courant dans la bière.
Si le moût chaud ou la bière en fermentation est exposé à l'air (oxygène), la bière va développer prématurément ou tardivement des flaveurs de carton mouillé, de vieux papier ou de Madère, Sherry ou Xérès. En général ce sont les alcools, acides gras ou des composants du houblon qui sont oxydés. l’oxydation peut intervenir à différents stades de la fabrication de la bière et selon les cas former aussi d’autres faux-goûts que ceux listés précédemment. Le seul moment où il est possible et conseillé d’oxygéner sans risque le moût lors de la fabrication de la bière est après le refroidissement à la température de fermentation afin d’apporter suffisamment d’oxygène pour le métabolisme de la levure lors de l’ensemencement. Ensuite une fois que le moût devient de la bière lors de la fermentation et après lorsque l’on a de la bière il ne faut surtout pas oxygéner la bière.

Oxydation à chaud

L’oxydation à chaud comme son nom l’indique se déroule à hautes températures et concerne les composés du malts comme les polyphenols et les melanoidins, plus la température est élevée et plus les réactions d’oxydoréduction se produisent rapidement. A température moins élevées (aux alentours de 20°C) l’oxygène se comporte de manière inerte dans le moût jusqu’à sa consommation par les levures. Ces composants oxydés subissent par la suite des échanges d’électrons pendant le mûrissement de la bière ce qui provoque alors l’oxydation de l’éthanol et la création d’aldéhydes. Ces aldéhydes se lient avec des composants soufrés crées par la levure qui apportent des flaveurs astringentes, métalliques ainsi que des flaveurs de carton, Sherry ou Xérès.
Pour éviter l’oxydation à chaud il faut proscrire les transferts brusques par gravité, les éclaboussures de la maische et du moût chaud lors des différentes étapes de brassage, de filtration et d ‘ébullition du moût jusqu’au refroidissement. Utiliser des tuyaux pour transférer plutôt que d’éclabousser le moût. Attention aussi dans le cas d’utilisation de pompes à limiter au maximum l’introduction d’oxygène dans le circuit.

Oxydation à froid

L’oxydation à froid est le résultat d’une ou plusieurs oxydations qui se déroulent à température ambiante ou même plus basses. Dans la bière on peut généralement constater les cas suivants :
Oxydation de l’éthanol et de l’acétaldéhyde (la plus courante) : tout d’abord l’oxydation de l’éthanol en acétaldéhyde se produit, c’est la réaction qui intervient dans la fabrication du vinaigre d’alcool et qui peut amener à un goût cidreux, de pomme. L’acétaldéhyde est ensuite oxydé à son tour pour former de l’acide acétique (vinaigre) mais comme les concentrations ne sont pas trop élevées c’est plutôt un goût de carton ou de Sherry qui en ressort. Si le goût acétique est vraiment très prononcé il peut s’agit d’une infection bactérienne par une Acetobacter (voir acide acétique).
Oxydation du houblon : Les composants du houblon peuvent subir une oxydation pendant le stockage du houblon ce qui amène à une baisse des flaveurs houblonnées, les acides alpha s’oxydent et donnent un résultat aux arômes de fromage (acide isovalérique) et d’herbe. C’est encore plus le cas avec l’utilisation de vieux houblons ou des houblons mal conservés (voir odeur de fromage juste après).
Oxydation des acides gras : Les acides gras présents dans le moût bien que très utiles pour la levure, sont extrêmement réactifs avec l’oxygène et vont s’oxyder et former différents produits qui peuvent engendrer des faux-goûts comme par exemple un côté savonneux (acide oléique) ou bien rappelant la chèvre (acide caprylique). Ce soucis est plutôt constaté sur les bières qui ont subit une mauvaise filtration du moût car plus chargées en acides gras. Il s’agit d’un défaut à hautes doses mais potentiellement voulus dans certains styles comme les lagers et lambics (voir odeur de chèvre juste après).
Pour éviter l’oxydation à froid il est nécessaire d’éviter au maximum le contact de la bière en fermentation et du produit fini avec l’oxygène. Il faut donc particulièrement faire attention pendant les transferts de cuves et à l’embouteillage. Une solution peut être de purger les cuves avec une bonbonne de CO2 afin de chasser l’oxygène. Utiliser des tuyaux pour transférer plutôt que d’éclabousser le moût. Il faut également faire attention avec l’utilisation de pompes à ne pas faire entrer trop d’air. Attention à bien remplir les bouteilles afin de limiter l’espace entre la bière et le haut de la bouteille et limiter l’oxydation. L’utilisation d’une canne d’embouteillage peut aussi limiter l’oxydation à cette étape.
Dernier point, les conditions de stockage des bouteilles ont aussi une incidence sur la l’évolution de l’oxydation, celle-ci est quasi inévitable avec le temps mais un stockage au froid permet d’augmenter la durée de vie des bières. Notamment pour les styles houblonnés qui sont beaucoup plus sensibles à l’oxydation et au vieillissement et qui devraient pour bien faire être stockés au frais de leur production à la consommation.

7 - Odeur de chèvre, sueur (acide caprylique)

L’acide caprylique est un des acides gras formés pendant le métabolisme de la levure lors de la synthèse de lipides au début de sa croissance. Ces acides gras se retrouvent dans le moût lorsque l’éthanol finit par provoquer des fuite dans les cellules des levures ou bien lors de l’autolyse (mort des levures). Bien que très utiles pour la levure ils sont extrêmement réactifs avec l’oxygène et vont s’oxyder et former différents produits qui peuvent engendrer des faux-goûts comme par exemple une odeur rappelant la chèvre, le fromage de chèvre, la sueur ou la cire. Les flaveurs et arômes de l’acide caprylique sont dépendants du pH, plus il est acide et plus elles seront intenses.
Pour éviter ce faux-goût il faut donc utiliser une levure de bonne qualité en quantité suffisante, à température de fermentation adéquate avec une oxygénation suffisante avant la fermentation pour limiter le niveau d’acides gras.
Ce soucis est aussi constaté sur les bières qui ont subit une mauvaise filtration du moût car plus chargées en acides gras, il faut donc réaliser une bonne filtration et avoir une bonne cassure à chaud et à froid pour éliminer le maximum de trouble. Pour éviter l’autolyse il peut être intéressant de soutirer la bière afin de retirer le dépôt après la fermentation primaire en cas de garde prolongée derrière.
Il s’agit d’un défaut à hautes doses mais potentiellement voulus à faible dose dans certains styles comme les lagers et lambics.

8 - Odeur de fromage (acide isovalérique)

Cette odeur provient de l’oxydation du houblon qui intervient généralement pendant son stockage, soit parce que le houblon est mal conservé, soit parce qu’il est vieux. Le houblon est un produit fragile qui ne se conserve pas trop longtemps et qui craint beaucoup l’oxygène, ce qui amène à une baisse des flaveurs houblonnées. Les acides alpha s’oxydent et forment des acides isovalérique et butyrique, un résultat peut ragoûtant aux arômes de fromage, chaussettes sales, vieux fromage , Roquefort. Et bien souvent accompagnés d’arômes de chèvre (acide caprylique) et parfois d’herbe. L’odeur s’atténue avec le vieillissement de la bière. Les notes fromagères peuvent également provenir d’une infection bactérienne. Ce faux-goût peut être confondu avec l’acide caprylique qui est aussi le résultat d’une oxydation, mais d’acide gras.
Pour éviter ces faux-goûts il faut utiliser du houblon le plus frais possible, stocké, vendu et conservé dans de bonnes conditions à basse température et sous vide d’air.

9 - Médicament (girofle, phénols)

Cette odeur phénolique est souvent décrite comme le côté épicé du clou de girofle, le fumé ou le médicament, elle provient des phénols développés par la levure ou des tanins (polyphénols) présents dans le malt.
On peut distinguer un aspect phénolique dans 3 cas :
- La note de clou de girofle typique des Weizen bavaroises, généralement accompagnée d’esters de banane, développée par certaines souches de levure. Celle-ci est désirable et fait partie du style Weizenbier.
- Les notes de fumée issues des malts fumés, que ça soit à la tourbe (malt whisky), au hêtre (Rauchbier) ou à toute autre chose. Celles-ci sont désirables et font partie des styles de bières fumées, principalement causées par les tanins du malt.
- La note de sparadrap neuf ou de médicament qui peut donner une odeur de plastique chaud. Celle-ci en excès s’apparente plutôt à un défaut.
Les chlorophénols sont le résultat de la réaction du chlore qui provient de l'eau ou bien de résidus de produits chlorés qui peuvent être utilisés pour désinfecter le matériel et des composés phénoliques produits par les levures. Utiliser de l'eau bouillie ou une eau de source ou minérale permet d'éviter ce faux-goût si l’eau du réseau est trop chargée en chlore. Eviter d’utiliser des produits chlorés pour la désinfection, respecter les doses et bien rincer après utilisation.

10 - Astringence, tanins (polyphénols)

L'astringence se différencie de l'amertume, c'est comme si l'on suçait un sachet de thé ou des pépins de raisin, le résultat est sec, sensation de poudreux sur la langue. Ceci est souvent causé lors du brassage si la fourchette de pH 5,2 à 5,6 n’est pas respectée ou que l'on chauffe la maische au dela de 80°C. Quand on rince les drêches trop longtemps ou avec de l'eau trop chaude (supérieure à 80°C) on extrait les tanins du malt (polyphénols) ce qui provoque de l'astringence. Elle peut aussi être causée par un houblonnage trop important, notamment en fin de cuisson ou en dry hopping car le houblon contient des polyphénols.
Une bière jeune (bière verte) est naturellement astringente, mais au bout de quelques semaines après la mise en bouteilles ce goût doit normalement disparaître.
Pour éviter l’astringence il faut contrôler le pH lors du brassage, la température de l’eau de rinçage, éventuellement aussi le profil d’eau et faire attention à l’utilisation du houblon dans les bières à dominance houblonnée si des soucis sont constatés.

11 - Goût d’écorce de grain, de paille

Ce goût qui peut rappeler l'astringence provient de l'enveloppe des grains ou bien d’une présence de morceaux de pailles dans le malt. Ce goût se ressent surtout dans les bières tout grain dans le cas d'un mauvais concassage ou rinçage de drêches trop long. Si l'enveloppe des grains est trop déchiquetée lors du concassage, le goût se répandra plus facilement dans le moût pendant le rinçage. Comme pour l'astringence il faut faire attention à ne pas trop rincer les drêches pour le pas extraire les tanins (polyphénols). Le goût de grain peut aussi provenir de la torréfaction de l'orge, surtout si elle est faite maison il vaut mieux laisser reposer le malt quelques semaines après concassage pour que les arômes les plus forts se dissipent. Une solution pour limiter ce goût est d’effectuer une garde au froid de la bière afin de faire sédimenter les particules astringentes en fond de cuve.

12 - Odeur d'herbe

Une odeur provenant des aldéhydes qui rappelle l'herbe fraîchement coupée peut être décelée dans certains cas. Elle est souvent liée aux mauvaises conditions de stockage des ingrédients, par exemple du malt qui a développé un goût de moisi ou d’herbe ou bien dans le cas d’utilisation de houblon mal conservé ou mal séché. On peut également remarquer cette odeur lorsque l’on utilise du houblon frais (encore humide, non séché). Une longue ébullition permet d’évaporer les arômes herbacés, certaines variétés de houblons ont naturellement des caractéristiques herbacées.

13 - Flaveurs de cidre

Les arômes de cidre se développent généralement lorsque l'on ajoute trop de sucre blanc ou de canne dans le moût. Ceci peut être constaté dans les kits à bière de mauvaise qualité où l’ajout de sucre pour palier au manque de malt d’orge est parfois assez conséquent. Un composant de l’arôme de cidre est l'acétaldéhyde qui ressemble au goût de la pomme verte. C'est un sous produit courant de la fermentation, selon les levures la recette et la température l’arôme est plus ou moins présent dans le goût final. L’oxydation de l’acétaldéhyde produit de l’acide acétique qui peut renforcer le caractère cidreux de la bière. Les odeurs de cidre sont développées par une fermentation à trop haute température, elles peuvent décroître lors de la mise en garde au frais de la bière.

14 - Goût de métal

Le goût de métal est souvent le résultat d'un contact du moût avec des substances métalliques autres que l'inox, mais peut aussi être causé par l'hydrolyse de lipides contenus dans des malts qui ont subit un mauvais état de stockage. Le fer et l'aluminium peuvent également conférer des goûts métalliques lorsqu'ils sont en contact avec le moût pendant l'ébullition. La faible dose transmise au moût n'est pas dangereuse et peut être considérée comme étant nutritionnelle, mais le goût peut être dérangeant pour le consommateur final. Le matériel en acier inox ne donne pas d'odeurs de métal à la bière, en revanche il faut éviter le contact du moût (généralement acide) avec l'aluminium qui lui se propage très facilement.

15 - Moisissure

La moisissure est facilement reconnaissable par son goût et son odeur de cave. Elle peut évoluer dans le moût et dans la bière. La contamination par la moisissure se fait généralement quand le moût ou la bière est exposée à une atmosphère humide. Si l'infection est détectée suffisamment tôt elle peut être traitée en écumant ou nettoyant la moisissure à la surface du moût avant qu'elle ne contamine tout le brassin. Sinon la moisissure va se développer de plus en plus, mais elle n'est pas dangereuse pour la santé.

16 - Goût savonneux

Le goût de savon peut être causé par un verre mal rincé, mais aussi être produit dans certaines conditions de fermentation. Si on laisse la bière dans la cuve de fermentation primaire alors qu'elle est achevée depuis un certain temps, des arômes de savon peuvent provenir de la dégradation des acides gras dans le trouble (cassure). Les acides gras présents dans le moût bien que très utiles pour la levure, sont extrêmement réactifs avec l’oxygène et vont s’oxyder et former différents produits qui peuvent engendrer des faux-goûts comme par exemple un côté savonneux (acide oléique). Le savon étant un dérivé des acides gras, c'est donc vraiment celui-ci que l'on peut ressentir.

17 - Mouffette, putois (mercaptan)

L’odeur de mouffette, putois (odeur soufrée, utilisée dans le gaz de ville) dans la bière est causée par la réaction photochimique des composants isomérisés du houblon (l'isohumulone un dérivé de l'humulone). Au contact de la lumière et en présence de riboflavine (vitamine B2), l'isohumulone se dégrade et réagit avec des éléments soufrés pour former un nouveau composé. Le méthanethiol, ou méthylmercaptan, est un composé organosulfuré de formule chimique CH3SH. C'est un gaz incolore de la famille des thiols dont l'odeur rappelle celle du chou pourri.
Les longueurs d'ondes de lumière qui sont responsables de cette odeur de soufre sont le bleu et les ultras violets. Les bouteilles en verre brun sont donc de bons écrans contre ces longueurs d'ondes indésirables, en revanche les bouteilles vertes, bleues, transparentes ne le sont pas. L'odeur de soufre apparaît quand les bouteilles de bière sont exposées à la lumière du soleil direct ou juste sous un tube fluorescent comme un supermarché. Les bières brassées à partir de d'extraits de houblon pré-isomérisés et peu houblonnées résistent mieux à l'exposition aux UV. La canette métallique est le meilleur contenant concernant la conservation du houblon, c’est pour cela que bon nombre de microbrasseries y conditionnent leurs bières houblonnées.
Pour éviter cela il faut donc utiliser des bouteilles brunes et les conserver à l’abri de la lumière.

18 - Goût de levure

Une bière jeune (bière verte) a plus de chance d’avoir un goût levuré parce que la levure n’aura pas encore eu le temps de sédimenter. Avec la refermentation en bouteille et la maturation, le dépôt va normalement s'accumuler au fond de la bouteille. Attention donc lors du service à laisser le fond de levure dans la bouteille pour éviter ce goût de levure. Attention également à minimiser le dépôt lors de la mise en bouteilles, il faut de préférence transférer la bière avant d’y ajouter le sucre pour l’embouteillage pour ne pas remuer le fond de cuve.
Cela peut être le cas pour une bière de brewpub qui n’a pas forcément bénéficié d’une durée de fermentation suffisamment longue et qui est servie directement depuis un tank de garde. On peut également remarquer cela sur une bière à la pression lorsque l’on arrive sur le dépôt en fin de fût.

19 - Odeur de soufre

Une odeur soufrée peut parfois se dégager de la bière en fermentation ou à la dégustation. Cette odeur d’œuf pourri, d’eau thermale ou parfois d’égouts est créée par certaines souches de levure qui génèrent du sulfure d’hydrogène H2S pendant la fermentation. Si la levure subit un stress pendant la fermentation ou bien de l’autolyse, elle peut en générer plus que la normale. La présence de soufre en excès peut également provenir d’une infection bactérienne. Le seuil de détection est assez minime, en petit quantité cet aspect soufré est acceptable dans certains styles comme les lagers apportant de la fraîcheur mais dans d’autres styles et en excès cela peut vite être un défaut qui ne peut pas vraiment se masquer.
Pour éviter la formation de soufre il faut laisser le temps aux levures de fermentation basse de fermenter et également procéder à un lagering pour évacuer le soufre. Pour les levures de fermentation haute le soufre est généralement évacué avec le CO2 pendant la fermentation primaire assez active. Certaines souches de levures sont connues pour produire plus ou moins de soufre.
Pour éviter le stress de la levure il faut donc utiliser une levure de bonne qualité en quantité suffisante, à température de fermentation adéquate avec une oxygénation suffisante avant la fermentation et laisser le temps à la levure de mener à bien la fermentation.

20 - Bouillon cube (autolyse)

Lorsque la levure meurt sa membrane rompt et libère son contenu qui peut apporter des faux-goûts sulfurés, un goût umami pouvant rappeler la Marmite, ou un bouillon cube, c’est ce qu’on appelle l’autolyse. On peut constater ce souci si le fermenteur contient beaucoup de levure dans le fond et que la durée de fermentation et ou de garde dépasse 2 mois. Mais cela dépend aussi de la santé de la levure, si l’ensemencement a été suffisant et que la levure n’a pas subi un stress. Il est plus rare de constater de l’autolyse en brassage amateur, mais plutôt dans les cuve cylindroconiques sous pression en brasseries professionnelles car la hauteur des cuves et la pression augmentent ce risque.
Pour éviter ce problème d’autolyse et en cas de garde longue il peut être intéressant d’effectuer un transfert de cuve après la fermentation primaire pour limiter le dépôt.

21 - Acide lactique

Les formes Pediococcus et Lactobacillus sont des bactéries en forme de bâtonnets qui produisent de l'acide lactique en fermentant les sucres simples dans des conditions anaérobiques. Ces bactéries ont en outre une tolérance au houblon et à l'éthanol, mais pas à la chaleur, ce qui leur permet d'être en activité dans le moût en fermentation ou dans la bière. Elles peuvent conduire à une acidification et une aigreur, un trouble de la bière et à la formation de faux-goûts. La présence de ces symptômes dans le moût refroidi, la bière jeune ou la bière en bouteilles est principalement due à l'action de ces bactéries lactiques.
Dans leur forme la plus courante, les bactéries Pedicoccus produisent de l'acide lactique en grande quantité et un peu de diacétyle à partir des dextrines, du glucose mais aussi du maltose, fructose et sucrose.
Ceci provoque un goût et une odeur volatile désagréables et un trouble de la bière. Ce type de contamination provient le plus souvent du matériel mal nettoyé ou par la présence de bactéries dans l'air, de plus la bactérie Pediococcus est assez résistante, une bonne désinfection du matériel est donc nécessaire. Lactobacillus produit de l'acide lactique par le biais de la fermentation de carbohydrates. Son activité ne produit pas trop d'odeurs mais peu tout de même donner un goût acide et troubler la bière. Certaines formes de Lactobacillus et Pediococcus peuvent aussi donner un côté gélatineux, un trouble blanchâtre pendant la fermentation rappelant des fils de soie, qui se forme généralement en surface de la bière.
Lactobacillus delbruckii est une bactérie active en dessous de 55°C et tolérante à la chaleur qui agit dans le malt. Elle convient en brasserie pour réaliser l'acidification de la maische, sans produire de saveurs désagréables et de trouble. Elle est la bactérie contenue dans le sauermalz (malt acide) et qui provoque son acidité, métabolisant le glucose et produisant de l'acide lactique.
Pour favoriser son action en milieu anaérobique lors de l'empâtage il convient de réaliser un palier d'acidification entre 40 et 55°C dans une cuve couverte, ceci permet d'inhiber l'action des bactéries aérobies et non tolérantes à la chaleur.
Cette dernière forme de bactérie, tolérante à la chaleur est inhibée par l'isohumulone du houblon et ne résiste généralement pas à l'acidité du moût ou de la bière. Elle n’est donc pas un problème pour la bière et son vieillissement. En revanche les bactéries non tolérantes à la chaleur résistent au houblon et à l'alcool et posent donc problème en cas d'infection après le brassage et le refroidissement du moût. Une infection lactique peut aussi mettre du temps à se développer et donc s’achever et être détectée dans la bière en bouteilles. Le résultat peut aller jusqu’à l’explosion des bouteilles contaminées en raison de la surpression liée à la consommation de tous les sucres fermentescible et non fermentescibles.
A noter que l’acidification lactique est recherchée dans certains styles de bières acides (sour beers) comme les Lambics, Oud Bruin, Rouge des Flandres et les Berliner Weisse, Gose et Lichtenhainer.

Symptômes qualifiants ce type d'infection :
- Le goût acide, le manque de corps, goût peu sucré, bière trouble.
- Diminution anormale du pH lié à la production d'acide lactique.
- Densité finale en dessous de celle prévue puisque même les sucres non fermentescibles sont fermentés par les bactéries.
- Taux d’alcool inférieur car les sucres sont également fermentés par les bactéries.
- Bouteilles qui peuvent exploser ou jaillir à l’ouverture en raison de la consommation de tous les sucres par les bactéries.

22 - Acide acétique

Les principales bactéries responsables de la création d'acide acétique sont Acetobacter et Acetomonas. Elles sont présentes dans l'air en dessous de 50°C. Leur présence est très dommageable pour le moût en fermentation. Ces bactéries sont capables d'agir dans toutes les conditions de pH rencontrées lors du brassage de la bière, de plus elles ne sont pas inhibées par le houblon et l'alcool. Acetobacter oxyde l'éthanol en présence d'oxygène et produit de l'acide acétique (vinaigre). Ces bactéries sont de puissants oxydants souvent responsables des goût et arômes désagréables acide, aigre et de vinaigre bien souvent accompagné de trouble. La contamination est souvent visible par une pellicule aux apparences huileuse et moisie.
Ce type de bactérie s'introduit généralement dans le moût lors des étapes de transfert ou d'aération, en effet la présence d'oxygène favorise la croissance et l'activité de la bactérie. Il est donc nécessaire pour éviter les infections d'avoir une fermentation qui part rapidement, la levure consommant l'oxygène pour se multiplier inhibant la potentielle infection. Il faut aussi éviter au maximum toute aération excessive du moût pendant les transferts et bien sûr travailler avec du matériel propre et correctement désinfecté.
Une bière qui présence un goût et une odeur aigre aura certainement été contaminée par une bactérie acétique. On peut également retrouver ce problème avec une bière pression dont la ligne de tirage ou le fût a subit une oxygénation et que la bière est resté un petit moment stagnante. A noter que la présence d’acide acétique est recherchée dans certains styles de bières acides (sour beers) comme les Lambics, les Vieilles brunes (Oud Bruin) ou Rouges des Flandres.

Symptômes qualifiant ce type d'infection :
-Le goût et l'arôme aigre, bière trouble.
-Diminution anormale du pH lié à la production d'acide acétique.
-Diminution anormale du taux d’alcool vu que l'éthanol est oxydé en acide acétique.
-Densité finale normale.

23 - Odeur de cheval, de cuir, « funky »

Odeurs décrites comme relative au cheval, la selle de cheval, la ferme, le cuir, la sueur, ou encore résumées sous le terme anglais « funk » qui provient de l'argot anglo-américain funky, qui signifie littéralement « puant », « qui sent la sueur ».
Ces arômes et flaveurs, principalement des phénols qui donnent aussi des arômes de clous de girofle, de plastique et de fumé, sont produits par différentes espèces de Brettanomyces (aussi appelée Dekkera), on trouve notamment les espèces B. Bruxellensis, B. Lambicus et B. Clausenii. Les Brettanomyces sont des levures, comme les Saccharomyces, qui consomment les sucres en alcool. Elles ont la particularité de consommer également les sucres complexes que les Saccharomyces ne peuvent pas transformer, rendant ainsi la bière plus sèche. Le développement des Brett est par contre beaucoup plus long, il est donc rare de pouvoir détecter leur présence dans la bière en fermentation sans microscope, l’odeur « funky » sera plutôt perceptible sur une bière qui aura vieilli et se développera de plus en plus avec le temps. Les Brettanomyces développent peu d’acidité mais rendent la bière sèche au final avec ce goût « funky » caractéristique.
Ces arômes et flaveurs brettées sont désirables dans certains styles, les plus connus étant les lambic et autres wild beers mais on trouve maintenant de nombreux styles dérivés qui utilisent volontairement des Brettanomyces (Brett IPA, Saison Brett, Imperial Stout Bretté...) et notamment aussi la bière Trappiste Orval, dont le goût évolue avec le temps et le développement de la Brettanomyces. La Brettanomyces peut être utilisée dès la fermentation primaire, développant également des esters fruités ou bien ajoutée à un brassin fermenté avec une levure Saccharomyces pour ajouter ce goût bretté caractéristique, on parle alors de fermentation mixte.
Pour éviter une contamination aux Brettanomyces il faut travailler avec du matériel nettoyé et désinfecté, faire attention aux cultures de levures produites soi-même, réaliser la fermentation dans de bonnes conditions et éviter d’ouvrir le fermenteur et d’exposer le fermenteur à l’air libre, ce qui peut-être la porte ouverte à l’introduction de levures sauvages dont les Brett et l’oxygène favorisera alors leur croissance dans le moût ou la bière.

24 - Vomi de bébé (acide butyrique)

L’acide butyrique est le résultat d’une infection bactérienne (Clostridium) qui peut se produire pendant la fabrication du moût ou bien une fois dans la bière finale. Cette bactérie peut également contaminer l’extrait de malt liquide s’il est mal conservé ou stérilisé. Cette bactérie peut également se propager dans le moût lors d’un Sour Mash s’il n’est pas réalisé dans des bonnes conditions. Les odeurs seront plus importantes dans les bières à faible pH.
Le résultat donne des odeurs caractéristiques de vomis de bébé, de produit en décomposition ou putréfaction ou encore de produits laitiers rances. Il s’agit clairement d’un défaut qui se développera avec le temps dans la bière.
Les recommandations pour éviter ce type de contamination sont un bon nettoyage et une bonne désinfection du matériel utilisé et de bonnes pratiques en cas d’utilisation d’extrait de malt liquide ou bien de réalisation de Sour Mash.

La liste des faux-goûts et défauts de la bière est longue

Pour aller plus loin sur le sujet :
National Homebrew Club of Ireland : site web (en anglais)
The Complete Beer Fault Guide v.1.4 Thomas Barnes : document PDF (en anglais)
Livres : How to Brew - John Palmer, The complete joy of homebrewing - Charlie Papazian
Kegerator.com : site web (en anglais)
Article sur l'oxydation : morebeer (en anglais)
Cicerone : off flavor (en anglais)


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