L'eau

Cela semble une évidence, mais la bière est constituée à plus de 90% d'eau. Douce, dure, minéralisée, une chose est sûre c'est qu'elle influe sur la couleur, les qualités nutritionnelles et les caractéristiques gustatives de la bière. La pureté et la qualité de l'eau qui entre dans la fabrication de la bière sont déterminantes, non seulement sur sa clarté mais aussi sur son goût. Le profil d’eau va également avoir un impact lors de différentes étapes de la fabrication de la bière.

Le jargon de l'eau

Ion : Un ion est un atome ou une molécule portant une charge électrique, parce que son nombre d’électrons est différent de son nombre de protons. On distingue deux grandes catégories d’ions : les cations chargés positivement (+) et les anions chargés négativement (-).

Le pH : potentiel hydrogène, Il indique la concentration d’ions d’hydrogène (H+) présents dans l’eau, c'est-à-dire si une eau est plutôt acide ou plutôt basique (ou alcaline).

Dureté (permanente) de l’eau : La dureté permanente de l’eau est liée à la quantité de sels de calcium et de magnésium dissous dans l’eau. Elle diffère selon la nature des sols traversés par l’eau et peut varier au cours de l’année.
Le TH (titre hydrotimétrique ou dureté de l’eau) indique la teneur globale en calcium et magnésium. L'unité de mesure du TH est le degré français, 1°f = 10 mg/l de CaCO3 = 4 mg/l de Ca2+

Alcalinité : L’eau se charge naturellement en CO2 (il provient de l’atmosphère et de l’activité microbienne de la terre). Cela produit de l’acide carbonique qui avec le temps forme des sels nommés bicarbonates et carbonates. Plus une eau est dure, plus il y a de réaction avec les carbonates et l’acide carbonique. L'alcalinité représente la capacité de l'eau à neutraliser des acides, donc à stabiliser le pH. Du fait du caractère amphotère du bicarbonate avec l’eau, (à la fois acide et base) ce dernier joue un rôle tampon et permet une absorption des variations du pH.
L'alcalinité prend différents noms selon les usages : dureté carbonatée, dureté temporaire, pouvoir tampon, titre alcalimétrique
Le TA (titre alcalimétrique) exprime la teneur en carbonate en °f. 1°f = 6,0 mg/L pour les ions CO32- (carbonate)
Le TAC (titre alcalimétrique complet) exprime la teneur en bicarbonate et carbonate en °f. 1°f = 12,2 mg/L pour les ions HCO3- (bicarbonate).
Ces deux valeurs permettent de connaître les concentrations en bicarbonates et carbonates contenues dans l'eau.
Certains rapports d’eau mentionnent le TH, TA et TAC, s’il n'est pas déjà mentionné, il suffit donc de faire la multiplication de la valeur du TAC x 12,2 pour retrouver le taux de bicarbonates et de carbonates dissous dans l’eau et la multiplication de la valeur du TH x 4 pour retrouver le taux de calcium et si besoin multiplication de la valeur du TA x 6 pour retrouver le taux de carbonates (mais le TAC est plus complet).

L'eau a plusieurs impacts sur la bière

- Les ions ont une influence sur la qualité du moût lors du brassage ainsi que sur l'efficacité.
- La composition de l'eau affecte aussi le facteur d'utilisation du houblon lors de la cuisson et la perception de l'amertume sur la bière à la dégustation.
- La qualité de l'eau a aussi une incidence sur le goût final de la bière.

Les ions ayant le plus d'impact sur le profil d'eau sont : le bicarbonate, le sodium, le chlorure, le sulfate, le calcium et le magnésium.

Les ions ayant un impact sur le pH du moût

Le pH a une influence sur la capacité des enzymes à dégrader l'amidon, l'objectif étant d'avoir un pH compris entre 5,5 et 5,9 à température de conversion (~65°C), soit 5,2 à 5,6 à température ambiante (~25°C). La température et la durée des paliers d'empâtage sont des facteurs plus importants. En revanche, le pH intervient dans l'extraction de composés non souhaités, comme les tanins issus de l'enveloppe du malt. Un pH trop élevé se traduira par une amertume astringente et désagréable dans le goût de la bière. Le pH doit donc être contrôlé pendant l’empâtage et si besoin corrigé entre 5,2 et 5,6. L’eau de rinçage doit également etre controlée et corrigée afin qu'elle ait un pH <6.

Les trois paramètres à prendre en compte sont les concentrations en ions :
- Calcium (Ca2+) : Important pour la plupart des réactions chimiques du brassage. Participe à la diminution du pH du moût.
- Magnésium (Mg2+) : Nutriment essentiel à la levure. Participe à la diminution du pH du moût.
- Bicarbonate/Carbonate (HCO3/CO32-) : représente l'alcalinité de l'eau et équilibre l’acidité naturelle du malt. Participe à l'augmentation du pH du moût.

Influence de l’eau de brassage

Chaque style de bière a un profil d'eau qui lui convient le mieux, exemples de profils d'eau ici.

Ville Ca2+ Mg2+ HCO3 Cl- Na+ SO42-
Pilsen 10 3 3 4,3 4 0
Dublin 119 4 319 19 12 53
Paris (13è - réseau Sud) pH=7,8 100 3 244 19 9 19
Paris (source Butte aux Cailles) pH=8,2 30 9 165 5 13 10
Noisy Le Grand (SEDIF Neuilly) pH=7,4 90 10 238 26 12 52

L'eau de Pilsen est très douce, exempte de la plupart des sels minéraux et très pauvre en bicarbonates, elle convient bien au type de bière local, la pils. Les brasseurs utilisent le malt blond de Pilsen naturellement plus acide ce qui permet de réduire le pH et d'arriver dans la fourchette idéale entre 5,2 et 5,6.

A l'inverse l'eau de Dublin est riche en bicarbonates (HCO3) et a une quantité considérable de calcium mais pas suffisamment pour équilibrer le bicarbonate. Ceci a comme conséquence une eau dure et alcaline avec une forte capacité de dosage. L'alcalinité élevée de l'eau rend difficile la production de bière blonde sans une amertume prononcée. En effet l'eau utilisée ne permet pas au pH de la maische à base de malt clair, de baisser suffisamment pour atteindre la plage cible de pH de 5,2 à 5,6. Ce pH élevé induisant l'extraction élevée de composés phénoliques et de tanins amers provenant de l’enveloppe du grain. Un pH entre 5,2 et 5,6 empêchera donc normalement l’apparition de ces composés dans le produit final.

Mais alors comment cette bière brune est-elle célèbre ? La raison est en fait l'utilisation de malts foncés, dont une des caractéristiques est l'acidité ce qui permet naturellement d'augmenter l'acidité de la maische. L'acidité de ces malts neutralisant le pH élevé de l'eau, le pH de la maische s’abaisse naturellement pour atteindre la plage de pH optimale.

Ainsi une bonne bière foncée ne pourrait pas être brassée dans la région de Pilsen, et des bonnes bières blondes légères allemandes dans la région de Dublin sans l'adjonction rigoureuse de sels minéraux appropriés.

Si l'on souhaite quand même brasser une bière claire avec une eau dure (La dureté est liée à la concentration en calcium et magnésium) il serait préférable de diminuer l'alcalinité résiduelle, ce qui peut se faire de deux manières : en augmentant la teneur en ions Ca ou Mg, ou en ajoutant de l'acide, pour diminuer la concentration en HCO3. L'ajout d'ions Ca se fait généralement en ajoutant du sulfate de calcium (CaSO4) ou du chlorure de calcium (CaCl2).
Les acides les plus utilisés par les brasseurs sont l'acide lactique, l'acide phosphorique ou encore l'acide citrique, certains utilisent aussi du jus de citron. Une autre solution : utiliser du malt acidifiant (Sauermaltz) qui contient naturellement de l'acide lactique pour réduire le pH du moût. Les brasseurs allemands qui respectent la tradition du Reinheitsgebot utilisent ce malt.

Les ions ayant une influence sur le goût :

Carbonate et Bicarbonate (CO32- et HCO3)

Le carbonate ou bicarbonate est très important pour le brassage tout grain, sa concentration détermine en effet l'alcalinité totale de l'eau et équilibre l’acidité naturelle du malt. Cet ion détermine l'acidité de la maische, si le taux de bicarbonate est trop faible la maische sera acide, en particulier avec l'utilisation de malts foncés qui sont plus acides. A l'inverse si le taux de bicarbonates est élevé l'efficacité sera moins élevée.
Les niveau recommandés sont 0-50 mg/L pour des bières claires, 50-150 mg/L pour les bières ambrées et 100-300 mg/L pour les bières plus foncées.
En dehors de ces plages il y aura certainement des petites adaptations de profil à réaliser :
- On peut réduire l’alcalinité et diminuer le pH de la maische avec de l’acide lactique ou phosphorique ou bien en utilisant du malt acide qui contient naturellement de l’acide lactique.
- On peut également réduire le taux de bicarbonate de l'eau en effectuant une ébullition préalable de l'eau d'empâtage, le bicarbonate va se précipiter dans le fond de la casserole.

Sodium (Na+)

Le sodium accentue la douceur du malt, donne plus de corps et de sensation en bouche à la bière. Une proportion normale de sodium se situe entre 10 et 70 mg/L, dosage possible jusqu'à 150 mg/L pour accentuer la rondeur mais aussi apporter un côté salin. En excès (>200mg/L) le sodium donnera un goût salé, astringent voire acide à la bière (surtout si utilisation d'un adoucisseur d'eau) et peut aussi donner un côté métallique en combinaison avec d’autres ions, il vaut donc mieux rester sur des concentrations raisonnables et faire varier les proportions de chlorure pour jouer sur la perception du corps. Le sodium n’a pas d’incidence sur le pH.

Chlorure (Cl-)

Tout comme le sodium, l’ion chlorure (Cl-) permet également de renforcer le côté malté et la complexité en améliorant la perception du corps de la bière et la rendant plus douce. Il est généralement présent dans la nature sous forme de chlorure de sodium (NaCl), le sel de table ou de chlorure de calcium (CaCl2). Et c’est sous ces formes minérales qu’il peut être facilement compensé dans le profil d’eau si besoin pour faire varier la perception du corps. Une dose moyenne normale se situe entre 50 et 150mg/L et ne doit pas excéder 250 mg/L sous peine d’avoir un goût trop malté et moins stable. Ce dosage excessif est toutefois recherché dans certains styles de bières comme les NEIPA (voir plus bas dans la section ratio sulfate/chlorure). Il n’a pas d’incidence sur le pH.
A ne pas confondre avec l’élément chimique chlore utilisé dans le traitement des eaux de ville et dans l'eau de Javel. Si vous avez une eau de robinet très chlorée il est possible de la faire bouillir ou de la puiser d'avance et de la laisser s'aérer 24h avant utilisation, le chlore se dégrade relativement vite. Une concentration en excès peut donner un goût de médicament ou de chlore dans la bière finale.

Sulfate (SO42-)

Le sulfate permet d'accentuer l'amertume du houblon et le profil houblonné en faisant ressortir une pointe d'amertume fraiche et sèche dans la bière. Il n’a pas d’incidence sur le pH. En excès (>350mg/L) le sulfate cause une amertume astringente indésirable. Le taux normal se situe entre 10 et 50 mg/L pour les blondes légères, entre 30 et 70 mg/L pour les bières les plus courantes. On retrouve des taux de 100-250mg/L dans les styles de bières où l'amertume est à mettre en avant comme les pale ale et IPA. Nous verrons par la suite l'importance du dosage de cet ion dans le ratio Sulfate / Chlorure selon que l'on veuille faire ressortir le caractère houblonné ou malté de la bière.

Calcium (Ca2+)

Le calcium joue plusieurs rôles pendant le brassage, il aide à diminuer le pH en réagissant avec le phosphate contenu dans le malt libérant ainsi des ions H+ et stabilise l’alpha amylase à haute température. Il favorise la précipitation des protéines pendant l'ébullition du moût, c'est un nutriment utile aux levures, permet une bonne floculation de celles-ci et plus tard il permet d'améliorer la stabilité de la bière. Le taux de calcium fortement désiré est aux alentours de 100 mg/L, la fourchette de concentration adaptée à la bière se situe entre 50 mg/L (pour les bières légères) et 150 mg/L. Il est préférable d'utiliser des additifs comme le gypse (CaSo4) si votre eau se situe sous le taux de 50 mg/L de calcium afin de favoriser l'activité enzymatique lors du brassage. Attention aussi à ne pas surdoser le calcium à plus de 250mg/L car utilisé en excès il inhibera le magnésium ce qui pourrait avoir un impact sur le bon déroulement de la fermentation.

Magnésium (Mg2+)

Comme le calcium il contribue aussi à la dureté de l'eau en réduisant le pH, mais en moindre mesure, en réagissant avec le phosphate contenu dans le malt. Le magnésium est un nutriment essentiel pour la levure s'il est utilisé à faible dose. Le malt apporte par lui-même la dose minimum vitale (5 mg/L) nécessaire de magnésium pour les levures si l’eau en est dépourvue, mais il peut être bénéfique aussi pour le goût de la bière d’apporter un peu de magnésium sous forme de minéraux (sel d’epsom - sulfate de magnésium MgSO4) si sa concentration est trop faible. Les dosages entre 10 et 30 mg/L sont désirables, principalement pour sa fonction de nutriment pour levure. Mais en excès, au dessus de 50 mg/L, il donnera de la sécheresse, de l'astringence et de l'acidité à la bière. En excès (>125mg/L) il peut avoir des effets laxatifs et diurétiques.

Traitement de l'eau

Quelques petites règles avant de commencer : connaître l’analyse chimique de son eau et savoir pourquoi et comment la modifier. Si la qualité de la bière convient il vaut mieux ne rien toucher sans bien se renseigner sur le sujet au préalable.

La publication des analyses de l'eau du robinet est normalement obligatoire par votre commune en France. Le rapport mentionne la présence des minéraux en partie par million (ppm) ou en mg/L, les notations sont équivalentes. On retrouve aussi quelques informations sur le site du Ministère de la santé ou sur mon eau de brassage.

Mais pourquoi traiter son eau, et quand ?

La composition de l'eau n'est pas du tout la même partout et très variable selon les régions et même parfois selon les saisons. Certains auront la chance d'avoir une eau adaptée à beaucoup de styles de bières, d'autres moins chanceux ne pourront en brasser qu'un nombre très réduit. La composition de l'eau et la couleur de la bière sont en quelque sorte liés, mais certaines caractéristiques de styles sont à prendre en compte également. Il faudra donc dans certains cas adapter le profil minéral et le pH de l'eau afin qu'il corresponde mieux au style de bière à réaliser.

Modifications gustatives :
- Pour adapter le profil minéral de l'eau afin qu'il corresponde mieux au style de bière à réaliser
- Pour contrôler son rapport Sulfate/Chlorure dans l’eau finale en fonction du style de bière et de l’interprétation que l’on souhaite (profil + malté ou + amer)

Modifications techniques :
- Pour être dans la bonne fourchette de pH lors de l’ensemble du processus de brassage : pH entre 5,2 et 5,6 à l'empâtage, pH eau de rinçage <6, pH entre 5 et 5,4 à l'ébullition, pH <5 à la fermentation - Pour avoir un bon support calcium qui permet le soutien des amylases, la précipitation des oxalates, l’extraction et la précipitation des protéines, la floculation de la levure et la sédimentation lors de la fermentation

Quelle eau utiliser ?

  • Utilisation de l’eau du robinet + correction éventuelle :
    - simple et pas chère
  • Utilisation d’eau osmosée :
    - cette eau ne contient presque plus de minéraux donc très facile à traiter pour coller à un style voulu
    - inconvénient : consomme beaucoup d'eau, coût en matériel et minéraux à réintroduire
  • Utilisation d’eau de source ou minérale :
    - la concentration de certains ions peut être forte !
    - inconvénient : chère et polluante
  • Utilisation d’eau adoucie :
    Il ne faut pas utiliser d’eau adoucie provenant d’adoucisseur à base de sels car il retire la dureté, ajoute du sodium qui n’est pas requis et ne touche pas aux carbonates.
    Il en résulte une eau inadéquate pour le brassage !

On peut aussi mélanger deux eaux pour obtenir un profil spécifique (certains outils font les calculs).

Ajustement de l’eau pour le brassage en extrait de malt

- Pré-traitement : pour éliminer les odeurs ou goûts de chlore, soufre, métal passer l'eau dans un filtre ou adoucisseur.
- Affinement des goûts : sulfates pour l’amertume des houblons, sodium/chlorure pour accentuation du goût de malt.
- Ajustement du pH : si l'eau est très carbonatée, ajout de calcium ou acide pour baisser le pH.

Ajustement de l’eau pour le tout grain

- Le calcium, magnésium, et le bicarbonate contrôlent l’alcalinité résiduelle.
- L’alcalinité résiduelle combinée avec les malts détermine le pH du moût.
- Le pH du moût a une influence sur la conversion enzymatique, la fermentabilité, la clarté et le goût.
- Affinement des goûts : sulfates pour l’amertume des houblons, sodium/chlorure pour accentuation du goût de malt.
- Il est possible de traiter de manière séparée l'eau d'empâtage et l'eau de rinçage afin d'avoir des corrections adaptées (pH notamment)

Alcalinité Résiduelle (AR)

- Le pH du moût est l'effet final de la dureté (Calcium, Magnésium), de l'alcalinité (bicarbonates/carbonates) et des malts. C’est le pouvoir tampon de l’eau.
- Alcalinité Résiduelle = alcalinité (CaCO3) - (Ca2+/3.5 + Mg2+/7)
- Une haute AR est plus bénéfique pour des bières sombres
- Une basse AR est plus bénéfique pour des bières plus claires

Neutralisation de l'alcalinité

Les malts foncés sont plus acides que les malts clairs donc aident à compenser l’alcalinité, l’alcalinité peut être neutralisée en ajoutant de l’acide dans l'eau de brassage ou dans la maische, quasiment indispensable pour les bières claires et courant pour les bières plus foncées également. Des outils existent pour faire tous les calculs et estimer les dosage d'acides et de minéraux à ajouter.

Les acides les plus utilisés sont :
- L'acide phosphorique à 75% : neutre en goût, peut troubler l’eau de brassage en réagissant en partie avec le calcium
- L'acide lactique à 80-88% : peut donner un léger goût si gros dosage, pas d’effet sur la dureté
- L'acide citrique à 100% : donne un goût citrique, pas d’effet sur la dureté
- Les acides minéraux : chlorhydrique/sulfuriques (HCl/H2SO4) : ne précipitent pas le calcium et ajoutent des ions utiles aux saveurs, mais sont plus dangereux à utiliser

Autres solutions pour réduire l'alcalinité :
- Utiliser du malt acide (sauermalz) qui contient naturellement de l'acide lactique
- Utiliser une culture d'acide lactique (sauergut) qui contient naturellement de l'acide lactique
- Faire bouillir l’eau au préalable pour réduire l’alcalinité

Ratio Sulfate / Chlorure

Nous avons vu que l’ion chlorure permet de renforcer l’aspect malté d’une bière en modifiant la perception de la rondeur en bouche. L’ion sulfate permet lui d’accentuer les arômes de houblon et l’amertume ce qui amène à percevoir un résultat plus sec et propre.
Le ratio Sulfate / Chlorure permet de vérifier l’équilibre des concentrations entre ces deux minéraux en fonction de la perception voulue qui dépendra bien évidemment du style de bière à réaliser. Il suffit de diviser la quantité en mg/L (ou ppm) du sulfate par celle des ions chlorure.
Exemple avec l’eau de Paris : 19/19=1 ce ratio est de 1 donc il est bien équilibré entre la perception du corps et des arômes de houblon. Un ratio inférieur à 1 favorisera la perception du côté malté tandis qu’un ratio supérieur à 1 favorisera la perception de l’amertume.
John Palmer a sorti un tableau récapitulatif de ce ratio :

  • 0-0.4: trop malté (NEIPA ; 50/150=0,33)
  • 0.4-0.6: très malté (German lager 55/95=0,58 ; NEIPA 75/180=0,42)
  • 0.6-0.8: malté (porter 50/60=0,8 ; altbier 65/82=0,8)
  • 0.8-1.5: équilibré (pilsner 5/5=1)
  • 1.5-2.0: assez amer (session IPA 150/100=1,5)
  • 2-4: amer (pale ale 150/60=2,5 ; dry stout 53/19=2,8 ; IPA 150/50=3)
  • 4-8: très amer (IPA + amère 242/52=4,6)
  • 9+: trop amer

Pour faire varier les teneurs en minéraux on pourra utiliser des sels comme le chlorure de calcium (CaCl2), sel (NaCl), chlorure de potassium (KCl) ou bien du sulfate de calcium (gypse CaSO4), sel d'Epsom (MgSO4), en fonction du style de bière à réaliser et du ratio à obtenir.

Correction du Calcium

La correction du Calcium est nécessaire pour le cas d’une eau douce par ajout de chlorure de calcium (CaCl2) ou bien du sulfate de calcium (gypse CaSO4) selon la balance sulfate / chlorure désirée.
Il faut idéalement viser une cible d’au moins 100 ppm de Ca. Pour le cas d’une eau plus dure, la correction se fera plutôt pour la balance chlorure / sulfate et lors de l’ébullition.
Attention à ne pas surdoser le calcium à plus de 250mg/L car il inhibera le magnésium et donc cela aura un impact sur le déroulement de la fermentation.

Dé-chlorer l'eau

L’eau de conduite contient du chlore ajouté par le fournisseur, cela pour éviter le développement bactérien durant le transport. On peut parfois trouver le taux de chlore (différent de Chlorure Cl-) utilisé dans les rapports d’analyse de l’eau, il peut être assez variable selon les réseaux. Le seuil de perception des chlorophénols est assez faible (10ppm) donc l’odeur de «Javel&eraquo; plus ou moins présente selon les cas. Il est conseillé de dé-chlorer son eau pour le brassage. Il existe plusieurs méthodes :

  • Repos / aération, nécessite d’anticiper et préparer l’eau à l’avance (minimum 24h), facile à faire en brassage amateur
  • L’ébullition, longue et coûteuse, conséquence : perte de l’alcalinité temporaire, relativement facile à faire en brassage amateur
  • Filtration par charbon actif, carafe filtrante (type Brita) à charbon actif, relativement facile, représente un coût et matériel à avoir

Matériel et ingrédients utiles

Pour corriger efficacement votre eau de brassage il vous faudra certainement :

  • Un acide : Phosphorique à 75% ou Lactique à 80-88%
  • Une pipette graduée pour les dosages (il existe des modèles simples en plastique)
  • Un pHmètre : Outil indispensable pour vérification du pH, mesure du pH d’empâtage, de l’eau de rinçage mais aussi si besoin post ébullition et post fermentation, utile également pour les bières acides.
    Ne pas oublier l’étalonnage avant chaque séance avec les solutions tampon pH (souvent 4 et 7) qui ont une durée de vie de l'ordre de 1 mois et de bien stocker l’électrode dans une solution adaptée (Chlorure de Potassium, KCl).
    Attention à la température de mesure, beaucoup de modèles ont la fonctionnalité de compensation de la valeur du pH en fonction de la température (ATC), il vaut mieux mesurer à la température proche de celle de la calibration de l’appareil, les électrodes n’aiment pas les hautes températures et s’usent plus vite.
  • Une balance de précision pour peser les minéraux, minimum de précision 0,01g

Des minéraux :

  • sel de table (NaCl)
  • gypse ou sulfate de calcium (CaSO4)
  • chlorure de calcium (CaCl2)
  • sulfate de magnésium ou sel d'Epsom (MgSO4)

Eventuellement :

  • Chlorure de Potassium (KCl) pour ne pas trop charger en Ca ou Na dans les NEIPA
  • bicarbonate de sodium (NaHCO3)
  • craie ou carbonate de calcium (CaCO3)

Voir la rubrique fournisseurs pour commander les ingrédients et profiter de réductions.

Outils d'aide au traitement de l'eau

Le calcul et dosage des additifs reste quand même assez compliqué, c'est pourquoi il est recommandé de s'aider de divers outils, notamment :

Liens utiles :

Maintenant il existe également une très bonne référence en français avec moneaudebrassage.fr cet outil s'enrichit de nouvelles fonctionnalités et permet d'avoir rapidement le profil d'eau de sa commune et automatiquement un profil d'eau adapté au style de bière que l'on veut brasser (correction en minéraux et correction du pH à l'acide). Cet outil est très facile d'accès.

L'outil en ligne Brewer’s friend mash-chemistry-and-brewing-water-calculator est de mon point de vue un des plus aboutis, plus complexe mais offre des fonctionnalités avancées. Il est même possible de sauvegarder ses profils pour réutilisations futures. Une aide est disponible en bas de la page et détaille les différentes rubriques et champs à remplir. C'est en anglais mais pour bien comprendre et maitriser le traitement de l'eau les ressources sont très souvent en anglais donc un petit effort de traduction sera vite récompensé.

Exemples avec moneaudebrassage.fr

English Porter : retrouver l'exemple en ligne

Nous sélectionnons le profil d’eau utilisée (Paris Sud) :

eau_paris_sud

  • Cette eau est dure (Ca / Mg) et chargée en bicarbonates, profil naturellement adapté au brassage d’une bière foncée avec des malts torréfiés (acides) qui vont aider à compenser l’Alcalinité Résiduelle
  • Si la dose de grain torréfié ne suffit pas à faire descendre le pH entre 5,2 et 5,6 lors de l’empâtage ou bien si l’on veut brasser une bière claire, alors il faudra utiliser de l’acide pour compenser l’AR
  • Nous avons besoin de légèrement adapter le profil d’eau pour le faire correspondre à celui du style Porter. Pour la suite nous utiliserons moneaudebrassage.fr pour faire les calculs

porter_moneau1

  • On sélectionne le profil d’eau correspondant au style English Porter
  • On peut aussi le définir manuellement si nécessaire
  • On peut adapter le curseur de la balance Sulfate/Chlorure, ici balance équilibrée à 1
  • En bas nous avons le récapitulatif du profil actuel et corrigé

porter_moneau2

  • On rentre les malts utilisés dans la recette et les volumes d’eau, cela permet d’adapter le pH initial et voir ce que corrigent déjà les malts
  • On renseigne le type d’acide utilisé pour corriger l’eau d’empâtage et de rinçage

porter_moneau3

L’outil détermine par lui-même les minéraux et les quantités d'acide à utiliser pour corriger le profil d’eau d'empâtage et de rinçage des drêches

NEIPA : retrouver l'exemple en ligne

Nous sélectionnons le profil d’eau utilisée (Paris Sud) :

eau_paris_sud

  • Cette eau est dure (Ca / Mg) et chargée en bicarbonates, profil qui n'est pas de base adapté à la réalisation de ce style de bière
  • Nous avons besoin d'adapter le profil d’eau pour le faire correspondre à celui du style NEIPA

neipa_moneau1

  • Ce style n’existe pas dans les présélections, mais on peut le définir manuellement en rentrant les valeurs de minéraux voulues
  • On peut adapter le curseur de la balance Sulfate/Chlorure, ici on veut un rendu malté en gonflant la dose de Chlorures
  • En bas nous avons le récapitulatif du profil actuel et la correction

neipa_moneau2

  • On rentre les malts utilisés dans la recette et les volumes d’eau, cela permet d’adapter le pH initial et voir ce que corrigent déjà les malts
  • L'outil calcul les doses de minéraux à ajouter pour compenser le profil, pour l'eau d'empâtage et de rinçage dans le second onglet

neipa_moneau3

  • On définit le type d'acide utilisé, cela permet à l'outil de déterminer les volumes d'acide à ajouter
  • L'outil affiche ensuite le tableau récapitulatif des doses de minéraux et d'acide à ajouter pour compenser le profil d'eau d'empâtage et de rinçage

Exemples avec Brewer’s friend

Voici un tutoriel avec deux exemples de recettes et d'adaptation de profil d'eau en fonction du style brassé. Ces exemples ne couvrent pas tous les usages possibles de cet outil qui offre de nombreuses fonctionnalités, la documentation en bas de sa page détaille tout ce qu'il est possible de faire.

Pale Ale : retrouver l'exemple en ligne

Pale ale faite avec l’eau de la source de la Butte aux Cailles, cette eau est globalement peu minéralisée et contient moins de bicarbonates et de Calcium que l’eau de Paris, elle convient assez bien pour réaliser les bières claires. Pour commencer on remplit les différents volumes d’eau utilisés dans la section Water Volumes.

pale1_volumes

On remplit ensuite le profil d'eau dans la section Source Water. L'analyse détaillée du profil d'eau de ville est normalement fournie par chaque municipalité on retrouve aussi quelques informations sur le site du Ministère de la santé ou sur mon eau de brassage.

pale2_profileau

Dans la section Water Target Selection je choisis un profil «light colored and hoppy» qui charge une présélection de concentration en ions pour obtenir un profil d’eau adapté à un profil de bière houblonnée comme une Pale Ale. J’augmente un peu le taux de Calcium et le magnésium toujours utile à la levure et je baisse un petit peu la cible de sulfate pour éviter un résultat trop amer.

pale3_watertarget

Ensuite je réalise les ajouts de gypse, sel d’epsom et chlorure de calcium afin de m’approcher le plus possible du profil d’eau désiré. Par chance cela colle assez bien au profil désiré, ce n’est pas toujours le cas il faut tâtonner un peu pour trouver les bons dosages.

pale4_sels

Il n’y a pas de malts torréfiés dans la recette, qui naturellement compenseraient le bicarbonate par leur coté acide. Pour compenser l’alcalinité (principalement le bicarbonate) j’utilise généralement du malt acide et également une acidification de l’eau de brassage et de rinçage, ici à l’acide phosphorique sur les bières blondes et ambrées. On renseigne les différents malts utilisés dans la recette dans la section Grist Info, le malt acide à toute son importance puisqu’il participe à la neutralisation de l’alcalinité.

pale6_gristinfo

Il faut donc également renseigner dans la section Acid Additions le type d’acide, la quantité et la force si besoin d’ajouter de l’acide. Le but étant d’obtenir la valeur de HCO cible du profil d’eau voulu, ici on ne veut pas de bicarbonate, il n’y a pas de grains torréfiés dans la recette donc le seul moyen de compenser cette valeur c’est d’utiliser une eau sans bicarbonate (ce qui n’est pas mon cas) ou d’utiliser un acide, la dose d’acide dépend donc de cette alcalinité à compenser. Dans cet exemple 5ml d’acide phosphorique à 75 % sont nécessaires en complément des 150g de malt acide de la recette. J’aurai également pu n’utiliser que de l’acide ou que du malt acide. L’intérêt d’utiliser les deux c’est que l’eau de rinçage est aussi traitée et cela évite une augmentation du pH au rinçage ce qui peut extraire des tanins lors de la filtration. Il est également possible de traiter de manière séparée l'eau d'empâtage et l'eau de rinçage.

pale5_acide

La section Mash Report permet de vérifier que le pH à l’empâtage est bien compris dans la cible entre 5,2 et 5,6 que les teneurs en minéraux sont dans les normes et de voir le ratio sulfate/chlorure ici on est sur un ratio amer qui correspond bien au style Pale Ale.

pale7_mashreport


Stout : retrouver l'exemple en ligne

Oatmeal Stout fait avec l’eau de Paris, cette eau convient assez bien pour réaliser des bières brunes parce qu’elle est assez chargée en calcium et bicarbonate. Pour commencer on remplit les différents volumes d’eau utilisés dans la section Water Volumes.

stout1_volumes

On remplit ensuite le profil d'eau dans la section Source Water. L'analyse détaillée du profil d'eau de ville est normalement fournie par chaque municipalité on retrouve aussi quelques informations sur le site du Ministère de la santé ou sur mon eau de brassage.

stout2_profileau

Dans la section Water Target Selection je choisis un profil «London (Porter, dark ales) » ou bien « Dublin (Dry stout) » qui charge une présélection de concentration en ions pour obtenir un profil d’eau adapté à un profil de bière noire comme un Stout ou une Porter, les profils sont assez similaires de toute façon ici je serai limité par la teneur en bicarbonates de l’eau de Paris que j’adapte donc, je ne vais pas en rajouter.

stout3_watertarget

Ensuite je réalise un petit renfort de sel de table et de sel d’epsom pour augmenter un peu le sodium, le sulfate et le chlorure afin de m’approcher le plus possible du profil d’eau désiré. Par chance l’eau de Paris colle déjà assez bien au profil de l’eau de Londres, ce n’est pas toujours le cas il faut tâtonner un peu pour trouver les bons dosages.

stout4_sels

Les malts torréfiés sont naturellement acides du coup il est important de bien renseigner la section Grist Info, cela va notamment servir à estimer le pH de la maische et naturellement compenser le taux de bicarbonate important. C’est pour cela que les eaux chargées en bicarbonate correspondent bien au brassage des bières noires plutôt que les bières blondes et il n’y a généralement pas besoin de compenser par un ajout d’acide ou de malt acide.

stout5_gristinfo

La section Mash Report permet de vérifier que le pH à l’empâtage est bien compris dans la cible entre 5,2 et 5,6 que les teneurs en minéraux sont dans les normes et de voir le ratio sulfate/chlorure ici on est sur un ratio malté qui conviendra bien au style Oatmeal Stout qui demande un peu de rondeur.

stout6_mashreport


Abonnez-vous et suivez l'actualité Univers Bière sur la page Facebook et sur Instagram

  facebook  instagram  biere  money